Dans mes termes, qu'on peut trouver explicités dans d'autres billets, on fait du commentaire, on “traduit”. On croit parler du réel mais on ne parle que du discours sur le réel au filtre d'une conception préalable du “bon” et du “mauvais”. Du fait, quand un tiers vous dit, «Tu ne parles pas du réel mais de ce que tu imagines du réel», si on a un fort tropisme “commentateur” on a beaucoup de difficultés àcomprendre le propos.

J'ai participé il y a peu à un fil de commentaires, au départ j'ai fait un commentaire qui vaut ce qu'il vaut, c'est-à-dire pas grand chose, une opinion au filtre de mes idéologies – que celui qui n'a pas d'idéologies jette le premier dogme! Qui vaut ce qu'il vaut mais s'appuie sur l'observation du réel.. Par la suite, entre les commentaires de l'auteur du billet et les miens, ça a vite tourné à la joute verbale “arguments idéologiques contre arguments idéologiques”. Dans les fils de commentaires, outre qu'être aussi imparfait que quiconque je prends vite la mouche quand on aligne des arguties en guise d'arguments et des préjugés en guise de jugements. Au bout d'un moment ça me fatigue et je laisse tomber ou bien je place des commentaires méchants mais, à mon jugé, amusants – du genre d'ironie ou d'humour quiest de mon goût.

Un autre intervenant assez pondéré a fait à sa manière une remarque du même ordre que celle initiale de ma part. Il est résulté de toutesces discussions de commentaire définitif de l'auteur du billet:

«Le contenu du billet comme l'ensemble de mes billets portent l'interrogation sur l'école et la société que les réformes dont celle-ci, façonnent autour de nous depuis plus de 20 ans. Il n'y a pas là de "défense du passé", mais  référence aux valeurs et à

la culture de la Libération, non comme idéal, mais comme référence pour évaluer où on nous mène.

De plus je ne connais pas assez l'enseignement actuel pour en parler, et je préfère emprunter à quelqu'un qui s'y bat avec ses collègues.

C'est mon mots final sur cette mise en cause d'une défense du passé qui n'est pas mon combat».

Les passages en gras sont de l'auteur du commentaire. La mention "défense du passé" avec ses guillemets donne l'apparence d'une citation, ce qui n'est pas le cas, aucun des deux autres participants ne répute l'auteur du billet de défenseur du passé, en fait, les deux lui disent qu'il semble se positionner en tant que “défenseur du présent”, ce qui je crois transparaît dans ce commentaire définitif, “final”, ce que ni l'un ni l'autre ne lui contestent, lui exprimant simplement que vouloir construire l'école de demain en demandant que l'on ne touche pas à l'école du présent après avoir expliqué que l'école du présent c'est plus ce que c'était et qu'elle est pourrie par les menées bolchévisto-captitalistes (j'invente, mettez à la place l'idéologie politique qui a le plus votre antipathie) n'est peut-être pas la meilleure solution si on est vraiment convaincu qu'il faut “fairequelque chose contre l'état des choses”.

L'auteur du billet est très cohérent. J'aime ça. Moi aussi je suis très cohérent. Pas de la même cohérence mais en tout cas, les personnes cohérentes font mon admiration. Dans son (sic) «mots final», il explique donc que la «défense du passé ... n'est pas son combat», juste après une valeureuse défense du passé, de ses “valeurs” et de sa “culture”. J'ai un petit problème avec les références qu'il se donne, ou plutôt “la” référence, la seule l'unique, la «référence aux valeurs et à la culture de la Libération, non comme idéal, mais comme référence pour évaluer où on nous mène». Certes j'ai une commune référence avec lui, celle des “valeurs” et de la “culture” de cette période, par contre ce ne sont pas pour moi les «valeurs et à la culture de la Libération», mais les valeurs et la culture du CNR, du Conseil national de la Résistance: “la Libération” n'a pas de “valeurs” car “la Libération” n'est pas une figure réelle mais une figure de rhétorique, une personnification: “la Libération” comme “personne porteuse de valeur” réfère à un supposé groupe uni dans les mêmes “valeurs” et la même “culture”, ce qui est assez douteux: la seule “valeur” perceptible de “la Libération” est quelque chose comme “la défense de la Patrie”, sa seule “culture” commune quelque chose comme “le patriotisme”, mais une fois le combat terminé chacun rentre chez soi armé de ses idéologies, les cocos restent cocos, les réacs restent réacs, et les vaches seront bien gardées.

Je blague, je blague, mais je suis sérieux: quand on lit le passé au filtre des figures de rhétorique en supposant qu'une personnification est le reflet exact de la réalité effective, on ne peut que construire un projet du futur reposant sur une représentation mythique de ce passé, un truc du genre Union Sacrée, en oubliant, voire en ne sachant même pas, que “la Libération” est morte le jour même où elle naquit, et que dans les premiers temps beaucoup des victimes de “la Résistance” furent des résistants qui avaient la malchance de ne pas être dans le groupe idéologique dominant chez les résistants de leur coin. De ce fait, quand on lit son présent, on ne voit que ce qui dans sa propre logique, représente le groupe personnifiant le plus “la Libération”, alors qu'il est bien plus pertinent de se référer à la période antérieure, celle où sous la pression des événements s'élabora un projet où tous ces groupes divergents et souvent antagonistes ont du, pour parvenir à se coordonner, s'entendre sur l'essentiel, ce qui les rapprochait plutôt que ce qui les divisait. L'auteur du billet semble persuadé que “la Libération” c'est “la gauche”, et tendanciellement “la gauche marxiste”, donc toute proposition émanant d'ailleurs que “la gauche” n'est pas acceptable et toute proposition émanant d'elle, spécialement “la gauche marxiste”, acceptable. En toute bonne foi, il semble bien croire que la solution à tous les problèmes serait une révolution bolchévique, ou quelque chose de ce genre. Comme je le lui écrivais,

«Le libéralisme est mort, depuis au moins un siècle de ce que j'en comprends, le républicanisme a fait son œuvre, si on passait à autre chose que ces deux vieilles lunes? Hypothèse: à la démocratie? Et ni libérale, ni républicaine, ni populaire si possible. Si on veut un épithète, la démocratie démocratique? Les “libéraux” sont les légitimistes de ce siècle, les “républicains”, les orléanistes de ce siècle, les “populaires”, les bonapartistes (les uns “de gauche” les autres “de droite”) de ce siècle. Et si nous pensions pour notre temps, plutôt que pour le temps de demain sous les oripeaux du temps d'hier? Ça me semble une proposition assez raisonnable... Les lendemains de ce jour qui chantent sur le même air que les lendemains d'hier pour contrer le chant des lendemains d'avant-hier, très peu pour moi».