Je crois m'être fait une sale réputation durant mon passage bref et intermittent sur le site de Mediapart. Petite mais sale. Non que ce fut universel, je me fis une bonne réputation auprès de rares participants et pour la plus grande masse je ne m'en fis aucune. Ce qui m'attriste un peu, Mediapart eut dans ses pages la présence de l'Être Humain Universel, c'est passé presque inaperçu et, donc, parmi les quelques qui m'ont vu passer je me suis surtout fait une sale réputation, ou au moins une réputation douteuse.

Remarquez, je ne suis pas très surpris, assez peu de personnes savent entendre et voir, moins encore savent lire, comme j'ai surtout écrit sur ce site, normal que j'y sois passé plutôt inaperçu, ou quand aperçu, le plus souvent mal perçu. Faut dire, déjà qu'il n'est pas très évident de s'entendre, donc d'être entendu, en interaction directe et avec ce moyen puissant qu'est la parole, je ne supposais guère que ça puisse se produire par l'écrit, d'être lu par grand monde. Déchiffré possiblement, interprété c'est certain, lu, peu possiblement. Ce n'est pas faute d'avoir expliqué comment y parvenir d'une manière qui a prouvé de longue date son efficacité. Problème, beaucoup de personnes croient savoir lire avec la méthode moderne, celle qu'on dira “bouche cousue”, la lecture muette et solitaire, en quoi elles se trompent le plus souvent. Je ne leur reproche rien, elles ont eu la malchance de ne pas apprendre à lire, elles en restent à la méthode la plus courante, qu'on nommera déchiffrement, tout au plus à celle un peu plus efficiente mais assez limitée, qu'on nommera interprétation ou commentaire – pour moi, je parle plutôt de commentaire, une méthode encore plus limitée que l'interprétation car elle n'exige aucune créativité.

Désolé, je ne vous expliquerai pas comment lire, comment réellement lire, soit vous le savez déjà faire et en ce cas je vous expliquerai ce que vous savez déjà, soit vous ne le savez pas faire, du coup, et bien, vous ne saurez pas me lire, donc ce sera vain. Si un jour on se croisait je pourrais vous l'expliquer par l'exemple et par la pratique, mais l'expliquer par écrit à qui ne sait pas lire, vous comprendrez au moins cela, c'est idiot, aussi idiot, je ne sais pas, que d'apprendre comment voir à un aveugle, comment entendre à un sourd... Mon sujet ici est donc: Ma Pomme, l'Être Humain Universel.

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Bon ben, je vais faire une (assez longue) pause, le Monde me fait signe et me dit: sors de chez toi, ô Être Humain Universel, t'as des trucs à faire en ville alors il est temps de te bouger le cul! C'est ainsi, le Monde ne respecte pas mon universalité et me cause assez rudement, ce en quoi il a bien raison.

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Quelques heures plus tard. J'ai vécu plusieurs vies, certaines concurremment. Par exemple, à une époque je fus à la fois étudiant, syndicaliste, élu étudiant au conseil d'administration de mon université, militant associatif, activiste politique et clochard. Quand on sait y faire, on peut ainsi vivre quatre ou cinq vies en même temps. À temps perdu, pendant cette période, je me suis formé à l'informatique en autodidacte et j'aimais bien discuter le bout de gras avec un ami théologien, sans négliger bien sûr les loisirs culturels, surtout cinéma, musique et littérature. Je vous donne le truc pour y arriver sans peine: ne rien planifier mais avoir de la mémoire – quand on vit plusieurs vies les agendas même grand format sont toujours trop petits pour tout noter, on s'y perd, donc tout garder en tête.

Il est des vies que je n'ai pas vécues parce qu'elles ne le valent pas, d'autres que j'ai eu la chance de ne pas vivre car elles impliquent d'être profondément modifié en son être même pour les vivre, je pense, pour le premier cas, à une vie “en position de pouvoir”, je n'ai nul désir de renoncer à mon autonomie, de me faire esclave, et pour le second, aux maladies chroniques invalidantes ou aux conséquences d'accidents durablement incapacitants, mais on peut en occupant de manière transitoire de telles positions ou en souffrant de maladies ou accidents transitoires de ces types se projeter dans de telles vies.

Outre d'avoir vécu des vies multiples, je les ai vécues en divers lieux et dans des contextes sociaux très variés. Il est à comprendre que je n'ai rien de singulier, nous sommes tous des êtres humains universels potentiels, mais si nous sommes assez nombreux, rares sommes-nous parmi les humains à être effectivement universels, à nous savoir tels.